C’est le quartier de la pittoresque rue Montorgueil, du mythique cinéma le grand Rex (le plus grand écran d’Europe), des rues pavées où grouillent de petits commerçants et des restaurants de tous horizons. Le quartier toujours, s’anime. Pourtant on sait y vivre au rythme lent des dimanches en terrasse, à regarder les gens passer. Le Sentier est chargé d’histoire, il regorge de détours insolites, de charmantes singularités, de façades à regarder : à commencer par la notre, puis les rues nommées en mémoire de l’expédition napoléonienne en Égypte, la pointe Trigano (une curiosité architecturale unique dans Paris), le mur végétal de l’ancienne « Cour des Miracles » et la fresque du street artiste CK Combo, pacifique image en soutien aux droits LGBTQ. Et les célèbres musées parisiens ? Le Louvre et le centre Pompidou sont à 15 minutes à pied, traversez la Seine, vous êtes au musée d’Orsay. Le musée Picasso, vous y arriverez en traversant le quartier du Marais, lui aussi à 15 minutes à pied. Vous préférez rouler ? Louez un vélo chez nos amis du quartier, le tourisme parisien commence au bout de la rue ; suivez les quais de Seine, c’est à 10 minutes.
Construit en 1798, le passage du Caire est le plus ancien passage couvert de la Capitale, connu pour être le plus long (370 m) et le plus étroit de Paris (2m60). Il fut d’abord spécialisé dans l’imprimerie et la lithographie (jusqu’à la fin du Second Empire), puis dans la confection — qui est encore son cœur d’activité aujourd’hui. D’ailleurs, qui n’a pas assisté au ballet des diables chargés d’étoffes le matin ne connaît pas vraiment le passage du Caire.
Érigé en mémoire de la campagne victorieuse de Napoléon en Égypte, le passage symbolise le début de l’égyptomanie qui s’empare alors de la France. En témoignent les trois statues à l’effigie de la déesse Hathor, divinité des Festivités et de l’Amour (reconnaissable à ses oreilles de vache) et les bas-reliefs sur la façade de l’hôtel — construite vers 1830 et classée aux Monuments Historiques. Au milieu des hiéroglyphes pourtant trône un anachronisme curieux : la caricature du peintre Bougenier, appelé « le Bouginier », œuvre moqueuse du sculpteur de la façade, Gabriel Joseph Garraud. Les élèves de ce dernier, membres de la communauté d’artistes de la Childebert, ont alors placardé la caricature de Bougenier dans toutes les rues de Paris et au-delà, Bougenier était sujet de leurs railleries.
Alexandre Privat d’Anglemont dans Paris anecdote raconte :
« En moins de quinze jours, tous les murs de Paris eurent leur Bouginier ; les romantiques de la Childebert commencèrent cette scie par vengeance, les gamins de Paris la continuèrent par désœuvrement. Paris ne possédait pas un seul pan de muraille qui n’eût son Bouginier. Il fallait en doter la province. C’était au commencement de l’été. La plupart des artistes entreprenaient leurs pèlerinages. On promettait de se rejoindre, mais où ? mais comment ? » Ma foi, dit un des premiers partants à ceux qui devaient partir plus tard, nous sortirons par la barrière d’Italie. Regardez les murailles le long de la route : vous y trouverez votre itinéraire. » […] Quel chemin prendre ? La première chose qu’ils aperçurent sur la muraille, à côté de la barrière, ce fut un superbe Bouginier avec un doigt indiquant la route de Fontainebleau. Ils suivirent ces indications, qu’ils trouvèrent tout le long de la route, et qui les conduisirent à Lyon, à Avignon et à Marseille. […] On prit passage sur le premier navire en partance pour l’ancien séjour des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. On trouve là, sur les murs de la Douane, le même signe conducteur et le doigt indiquant Alexandrie. On le retrouva en Égypte sur les pyramides. »
Les Bouginiers ont disparu avec leurs dessinateurs, hormis celui de la façade du 2, place du Caire. Sculptée dans la pierre, elle est le dernier témoin de cette longue plaisanterie d’un temps révolu.
Elle habite sur notre façade et elle a fait de nous une icône du quartier. Elle veille, avec ses amis hiéroglyphes qui nous décorent. Hathor, c’est aussi la déesse de la musique, de la beauté et de la joie. Oui vraiment, ça nous va bien.